Lorsque je vois le regard ahuri des gens auxquels je mentionne que j’ai accouché naturellement de mon premier, aidée d’une sage-femme et de mon mari, dans le doux confort de notre micro 3 et demi du quartier Rosemont, je réalise que c’est encore loin d’être la norme. Après 3 ans, je n’ai encore jamais pris le temps de partager mon expérience publiquement. Seuls nos proches connaissent les détails de notre fabuleuse expérience de la naissance d’Albert. Je crois que le moment est venu de tout vous raconter.
D'abord
Pour moi, donner naissance à mon enfant sans aide médicale, à la maison, n’a jamais été un objectif de vie en soi, ni même le badge d’une réussite quelconque. C’était simplement un souhait, un choix fait en toute naïveté. Une décision que je suis heureuse d’avoir prise, pour moi, pour nous, pour Albert.
Je tiens à dire que je n’ai absolument rien contre les médecins et les hôpitaux. Au contraire. Ils ont tout à fait leur place pour toutes sortes de situations, incluant les grossesses à risque, les accouchements présentant des complications ou simplement pour rassurer les futurs parents qui ne veulent juste pas prendre de chance ou pour qui l’accouchement est peut-être source de stress ou d’anxiété.
Personnellement, j’ai toujours vu l’accouchement comme un processus naturel, non pas comme une opération médicale. J’en parle un peu ici, mais en bref, mes expériences avec le corps médical, qu’il s’agisse de suivis de routine ou d’examens plus spécifiques, n’ont jamais été particulièrement « accueillantes ». Et comme fabriquer et donner la vie sont des expériences, disons, plus grandes que nature, je désirais un suivi un minimum chaleureux et personnalisé.
Ayant eu la chance d’avoir une grossesse normale et ne présentant aucun risque, l’accouchement naturel était donc une option qui s’offrait à moi, à nous. En voici le récit.
Le grand jour
En général, je ne suis pas une fille anxieuse ni stressée. Zénitude ou naïveté, l’accouchement en soi ne m’énervait aucunement. Puisque je ne savais pas du tout à quoi m’attendre, autant gérer ça une étape à la fois.
Albert était dû pour le 19 octobre, mais c’est trois jours plus tôt, alors que je magasinais son siège d’auto, que les premières contractions se sont fait sentir. L’époux musicien étant en concert ce soir-là, j’étais seule, au milieu du magasin, avec mon sourire niais à me dire qu’il faudrait peut-être que je m’empresse de revenir à la maison. Aussitôt assise dans l’auto, j’ai eu le réflexe de calculer la fréquence des contractions. Elles étaient déjà pas mal régulières, aux 5-6 minutes.
Il était 19 h 43.
J’ai eu le temps d’aller stationner le Communauto, de marcher les quelques minutes qui me séparaient de la maison et de m’installer confortablement avant de texter mon amoureux pour lui dire de « ne pas paniquer », mais que bébé était en chemin. Aucune raison de s’en faire, les contractions étaient encore très relaxes et, je l’ignorais encore, mais mes eaux ne crèveraient pas avant un sacré bout!
La période de latence aura duré plus ou moins 12 heures. Chéri a eu amplement le temps de terminer son spectacle et de revenir à la maison pour m’accompagner lorsque les contractions sont devenues un brin plus intenses, au milieu de la nuit. C’est vers 6 h du matin que nous avons appelé la sage-femme pour l’aviser que le travail commençait, mes eaux toujours intactes. Elle est arrivée à 8 h 30.
Le travail
La suite, je dois dire qu’elle me semble un peu floue. Je me rappelle m’être promenée beaucoup dans toutes les pièces de notre appartement, d’avoir fait passer le « gros » des contractions accoudée au dossier du divan, recevant des massages de mon chéri, ou dansant doucement avec lui. La musique était très présente tout au long du travail. C’était très réconfortant de vivre cette expérience dans notre univers à nous.
Lorsque ce fut le moment de pousser, je n’avais toujours pas crevé mes eaux. Aucun problème, on pousse quand même. À ce moment, j’ignorais encore qu’un bébé peut très bien naître enveloppé dans la poche des eaux, et qu’il s’agit en fait d’une naissance tout en douceur pour l’enfant qui ressentirait moins la pression des contractions. Mais, après une heure ou deux à avoir l’impression de pousser « une baloune d’eau » qui ne veut pas passer, j’ai demandé à ma sage-femme de percer le sac amniotique, ce qu’elle a fait .
Puis, tout a déboulé. Je n’ai aucun souvenir clair de l’intensité des contractions ni même du temps que ça a pris avant qu’Albert se pointe. Mon rapport d’accouchement indique que j’ai dû pousser encore quelques heures, 5 pour être exacte, avant que sa petite tête chevelue ne se pointe. Pourtant, ça ne m’a pas semblé si long, mais bon. Je confirme qu’on oublie beaucoup de choses suite à un accouchement.
20 h 44. Albert est arrivé tout doucement sur Come Back Baby de Ray Charles, accueilli par papa, et puis hop, dans mes bras! Le cordon ombilical a été coupé une fois le sang entièrement transféré au bébé, question de lui assurer une réserve maximale en fer. Ensuite naissance du placenta.
Quelques secondes après, je sens l’équipe de sages-femmes, aides-sages-femmes et stagiaires s’activer un peu plus que nécessaire. Que se passe-t-il?
L'hémorragie
Je sens le liquide chaud couler entre mes jambes comme d’un robinet ouvert à grande eau. Je ne vois rien, alors je reste zen, mais à observer le visage de ceux qui m’entourent (dont celui de mon chéri) je comprends que la situation est sérieuse.
Il faut savoir que les hémorragies se produisent dans plus ou moins 5 % des accouchements, et sont souvent causées soit par une rétractation déficiente de l’utérus, empêchant les vaisseaux sanguins de bien se refermer, soit par un morceau de placenta qui serait resté dans l’utérus, ce qui n’était pas mon cas.
On m’injecte donc de l’ocytocine dans la cuisse puis on me fait un massage utérin pour aider l’utérus à reprendre sa forme et sceller les vaisseaux sanguins. Tout rentre dans l’ordre. Au total, j’aurai perdu presque un litre de sang, à 100 ml près d’une hémorragie grave. Ouf!
Le bonheur s'installe
Après tout ce brouhaha, je prends quelques minutes pour aller me doucher. Oh que oui! Puis je retourne à ma chambre pour allaiter bébé Albert, en compagnie de son papa. Gros bonheur.
Après quelques minutes dans notre petite bulle d’amour, une aide-sage-femme frappe doucement à la porte pour nous apporter un petit goûter préparé avec les petits riens qui restaient au réfrigérateur. Après plus de 24 h sans manger, c’était de loin le repas le plus jouissif du monde.
Une fois que tout le monde eut quitté notre petit nid, on aurait juré que rien ne s’était passé. Aucun signe qu’un accouchement venait d’avoir lieu. Le ménage était fait. Les meubles replacés. Le lavage fait. On n’en croyait pas nos yeux!
Je n’aurais pu espérer mieux pour un premier accouchement. Donner naissance à notre petit trésor chez nous, tout en étant guidés par une sage-femme respectueuse de nos besoins, c’était le rêve, rien de moins.
J’ai déjà hâte de vivre tout ça une deuxième fois!