J’ai toujours vu l’allaitement comme une solution évidente, bénéfique et économique de nourrir un nouveau-né. À moins de ne pas être en mesure de le faire, pour toutes sortes de raisons, il va sans dire. Aucun jugement, ici.
À la base, qu’un bébé soit allaité ou nourri à la formule, #FedIsBest. Le choix de ce qui convient le mieux à l’enfant revient aux parents. Reste que, lorsque la situation le permet, le lait maternel présente des avantages évidents pour la santé des enfants et des mères.
Le lait maternel est considéré comme le premier vaccin des bébés, puisqu’il contient des anticorps et de bonnes bactéries qui les protègent des maladies infantiles, dont les diarrhées et la pneumonie, deux causes majeures de décès chez les jeunes enfants. Il est aussi associé à un quotient intellectuel plus élevé et à des taux de maladies chroniques plus faibles.
L’allaitement protège aussi les mères de certaines maladies, comme le cancer du sein et le diabète de type 2, et du risque d’hémorragie postpartum. Ses bienfaits sont si nombreux qu’une étude publiée dans The Lancet estime qu’il pourrait sauver près de 800 000 vies annuellement si l’allaitement maternel était quasi universel.
[Ève Beaudin – Agence Science-Presse via Le Devoir ]
Mais après la sortie sur Twitter du président américain Donald Trump contre la résolution de l’Organisation mondiale de la Santé visant à « protéger, promouvoir et soutenir » l’allaitement maternel d’abord, je me suis un brin emportée, ne comprenant pas que « la pauvreté » pouvait inciter les mères à se tourner vers le lait maternisé. Voyons donc! Le lait maternel, c’est de loin la solution la plus nourrissante et bénéfique pour les bébés, et en plus c’est gratuit!
Pas si vite…
Suite à une discussion avec quelques mères sur Facebook, j’ai réalisé qu’allaiter exclusivement au-delà des 6 mois de bébé, voire 12 mois, s’avère souvent plus difficile qu’il n’y parait. Il semble que j’avais clairement oublié une facette de la chose.
L’allaitement, c’est gratuit! Oui, mais…
Au Québec, nous avons la chance de pouvoir compter sur un généreux congé parental. Ce qui n’est pas le cas de beaucoup de pays, et surtout pas aux États-Unis. Les mères doivent donc souvent regagner le marché du travail à peine quelques semaines après avoir accouché. Elles peuvent toujours tirer leur lait, vous me direz. Oui, mais…
Étant travailleuse autonome, je bosse principalement de la maison. J’ai donc pu donner le sein à mon premier-né bien au-delà des 2 ans recommandés par l’Organisation mondiale de la Santé (3 ans et j’allaite encore!). Tirer mon lait, je ne l’ai fait qu’à l’occasion, pour ces quelques moments où nous devions faire garder bébé. Rien de bien compliqué. Mais pour celles qui doivent reprendre un poste à temps plein rapidement ou après le congé de maternité, le tire-lait devient un outil indispensable, du moins si la mère tient à continuer d’offrir du lait maternel à son bébé.
Pour nourrir un nouveau-né et établir une production de lait optimale, la mère doit exprimer son lait toutes les 2 à 3 heures et, même si cette fréquence diminue à mesure que son bébé grandit, la plupart des femmes doivent quand même tirer leur lait au minimum deux fois par jour. Sauter ou retarder une séance n’est pas seulement inconfortable physiquement, mais ça risque aussi d’entraîner un blocage des canaux lactifères ou même une mastite. À court terme, on pense peut-être à un chemisier taché, mais à long terme, ça signale au corps qu’il doit commencer à produire moins de lait, ce qui, au final, finit par compromettre l’allaitement.
Peu ou pas d’accommodations
Il peut sembler évident que l’allaitement maternel soit la méthode la plus bénéfique de nourrir son bébé, mais le problème réside dans le fait que la société est bien mal préparée pour accommoder les mères allaitantes. Au bureau, par exemple. Connaissez-vous beaucoup d’entreprises offrant une salle privée dédiée aux mères pour qu’elles puissent tirer leur lait? Une seule? Non, les toilettes, ça ne compte pas. C’est probablement le lieu le moins hygiénique ever pour le faire.
Déjà que ce ne soit pas l’affaire la plus élégante au monde, je m’imagine assez mal devoir tirer mon lait dans un cubicule, une salle de conférence ou la cuisine d’un bureau. Avec le bruit que ça fait en plus… Et je n’ose même pas penser aux mères qui doivent voyager pour le travail.
En l’absence d’installations offrant propreté, calme et intimité, la mère souhaitant tirer son lait se voit donc contrainte de retarder les séances ou même d’abandonner complètement l’idée de le faire sur son lieu de travail. Et comme toutes les femmes ne bénéficient pas d’un congé parental digne de ce nom, ou n’ont pas la possibilité de rester ou de travailler à la maison, la formule devient rapidement la solution de rechange par excellence. Voilà pour les raisons économiques.
Promouvoir l’allaitement d’abord, c’est bien. Ça, c’est la job de l’OMS. Mais faire que l’allaitement soit vraiment un libre choix en offrant des installations et des politiques qui vont en ce sens, c’est mieux. Et ça, c’est la job du gouvernement. Sinon, le lait maternisé restera toujours la solution pratique.